N’avez-vous jamais eu la conviction que vous ne pouviez pas faire quelque chose, avant de réaliser que, finalement, vous le pouviez? N’avez-vous jamais cru qu’un de vos proches pensait quelque chose de vous, avant de réaliser que finalement, il pensait le contraire? N’avez-vous jamais été convaincu que quelque chose allait marcher, avant de réaliser que finalement, vous aviez négligé un détail important? Dans tous ces cas, vous avez été trompé par votre esprit, qui vous a raconté une histoire sur comment vous, les autres, et le monde fonctionnent. Dans le langage de l’ACT, vous avez été victime de la fusion cognitive.

Une fois que nos têtes apprennent à parler (ce qui semblerait être une habileté plus apprise qu’innée), elles ne s’arrêtent plus jamais d’associer mots et expériences pour produire des pensées, des histoires, des interprétations et des opinions. Celles-ci sont tellement présentes et convaincantes que nous passons plus de 90% de nos vies à prêter attention au flot ininterrompu d’histoires que produisent nos têtes plutôt qu’à être en contact avec le moment présent et notre environnement immédiat. Seuls les humains font cela ! C’est comme si les mots et les histoires fusionnaient avec notre expérience du monde, comme si nous étions condamnés à voir le moment présent à travers les lentilles des pensées produites par nos têtes si bavardes. Et ces histoires peuvent nous jouer des tours et nous conduire à nous retrouver coincés. Ce n’est pas pour rien que les bouddhistes font référence à notre « esprit singe ».

Afin de nous permettre de gagner un peu d’espace pour manœuvrer, l’ACT nous propose de cultiver la défusion cognitive. C’est un terme imagé qui renvoie à l’idée de nous décoller des histoires produites par nos têtes, pouvant aisément en venir à se fondre et à colorer notre expérience du monde. Se distancier du contenu de nos productions mentales n’est ni nouveau ni unique à l’ACT. C’est une pratique qui trouve ses racines dans des traditions contemplatives millénaires, et qui, plus récemment formait une étape de la thérapie cognitive.

Cependant, l’ACT ajoute une deuxième étape à la simple distanciation, qui consiste à identifier la fonction d’une pensée ou d’une histoire donnée dans tel ou tel contexte ou situation. Premièrement, observez que votre pensée est une pensée, puis identifiez ce qu’elle vous pousse à faire. Quand nous devenons capables de pratiquer ces deux étapes simples, nous devenons mieux à même de choisir si ce que nos pensées nous poussent à faire est bien ce que ferait la personne que nous voulons être. Lorsque çe n’est pas le cas, il nous devient plus facile de saisir l’occasion qui nous est offerte d’agir comme la personne que nous voulons être.

Dans notre travail avec l’ACT, nous utilisons la métaphore des hameçons à travers laquelle les pensées et émotions sont vues comme des hameçons qui peuvent nous tirer à agir dans des directions non souhaitées. En identifiant nos hameçons et ce que nous faisons quand nous y mordons, nous pouvons efficacement défusionner de nos habitudes de pensées limitantes en mettant en jeu les deux étapes de la défusion cognitive que l’on vient d’aborder.

Si vous êtes un ou une clinicienne qui utilise l’ACT, garder ces deux étapes à l’esprit peut potentialiser votre pratique de la défusion. L’éventail des exercices de défusion est large : faire régulièrement référence à ce que nos têtes nous disent plutôt que dire : « Je pense/Vous pensez », utiliser ses mains pour physicaliser les pensées et leur distance par rapport à notre esprit ou celui de vos clients, pratiquer divers exercices de vocalisation (comme répéter les pensées, les prononcer très vite ou au contraire très lentement, ou les énoncer en adoptant des voix bizarres ou humoristiques).

Quand vous utilisez ces techniques, pensez à demander à vos clients ce que ces pensées ou histoires les poussent à faire dans les situations sur lesquelles vous travaillez et si c’est cela qu’ils auraient choisi de faire. Bref, quand les clients observent que ce n’est pas ce qu’ils auraient choisi de faire s’ils n’avaient pas acheté une pensée ou une histoire particulière, cela les aide à identifier des occasions de choisir de nouveaux comportements.

Alors, au cours de votre journée, entraînez-vous à identifier vos pensées et émotions et à reconnaître ce qu’elles cherchent à vous pousser à faire dans les situations dans lesquelles elles apparaissent. Progressivement, vous arriverez mieux à reconnaître quand votre esprit produit des histoires qui pourraient rétrécir votre vie, vos choix et votre vision des possibles. Vous deviendrez ainsi plus à même de choisir qui va contrôler votre vie :ce qui compte véritablement pour vous ou bien les histoires que raconte votre « esprit singe ».