Matrice ACT et trauma

Jean est venu me consulter pour des difficultés professionnelles. Il vient de perdre son emploi après un accrochage avec son patron. Il ne se reconnait plus, se met souvent en colère – même avec ses enfants et sa femme, ce qu’il ne faisait pas auparavant. Très vite, il mentionne des évènements difficiles vécus il y a plus de 20 ans lors d’un séjour humanitaire en Asie. Aujourd’hui encore, dès qu’il entend un hélicoptère, il se replie. Son cœur accélère et il a des sueurs froides. À peine l’évoque-t-il qu’il se referme et déclare qu’il ne veut pas en parler.

Comme de nombreuses personnes, Jean a vécu des évènements traumatiques, et comme 10 à 20 % de ces personnes, il souffre d’un stress post-traumatique. En cherchant à éviter ce qui lui rappelle son trauma : bruits, lieux, etc., sa vie s’est rétrécie et vidée de son sens.

Il se retrouve prisonnier du cercle vicieux de l’évitement.

L’exposition aux souvenirs traumatiques constitue un traitement efficace qui peut réduire la détresse causée par les souvenirs. Toutefois, certaines personnes refusent l’exposition. Comme Jean, elles peuvent même refuser de parler de leurs traumatismes.

Pourtant, de nombreuses personnes ont des souvenirs traumatiques souffrants qui ne les empêchent pas de fonctionner. Pourquoi alors certain développent un syndrome de stress post-traumatique? De la perspective de l’ACT, le problème de Jean, était la manière dont il interagissait avec ses souvenirs et autres expériences intérieures. Avec l’ACT, j’ai pu lui proposer une manière bienveillante d’assouplir sa relation avec ses souvenirs traumatiques. Le cœur de notre travail fut d’aider Jean à retrouver la possibilité de choisir y compris de parler ou non de ses souvenirs traumatiques.

J’ai d’abord invité Jean à trier ses expériences et comportements dans la matrice ACT. En bas à gauche, ce qui lui était douloureux. Il y a placé la colère ainsi que ses souvenirs traumatiques. En haut à gauche, ce qu’il faisait en réaction à ces pensées et ressentis. Il y a inscrit : « Me mettre en colère » et « M’isoler et me montrer irritable avec mes enfants et mon épouse ». Quand nous nous sommes tournés vers la droite de sa matrice — les personnes et choses importantes pour lui — Jean a inscrit : mon épouse, mes enfants, moi-même, aider les autres, et contribuer à la société par mon travail. Rapidement, Jean a reconnu ses hameçons : les pensées, émotions et souvenirs qui apparaissent en bas à gauche et nous entraine à agir différemment de la personne que nous voudrions être.

Après quelques semaines, Jean a fait le lien entre sa colère et ses souvenirs traumatiques. Il a observé que le fait de chercher à les éviter l’avait poussé à rester dans un emploi qui ne correspondait pas à ses valeurs. Au fil du temps, il a aussi observé qu’il s’engageait plus volontiers dans des actions pour s’approcher de ses enfants et de son épouse. Enfin, il s’est imaginer comment trouver un travail qui lui permettrait de s’approcher de sa valeur d’aider les autres — cette même valeur qui l’avait motivé à s’engager dans l’aide humanitaire 20 ans plus tôt.

Il est difficile pour moi de refléter la profondeur de notre travail, qui explora également la compassion pour soi et la prise de perspective, en 600 mots. Le courage de Jean m’a profondément touché et je ressens une profonde gratitude d’avoir pu l’aider à retrouver, en quelques semaines, le chemin d’une vie reconnectée sur ses valeurs les plus fondamentales.

RÉFÉRENCES

Grand Public :

Follette, V. & Pistorello, J. (2007). Finding Life Beyond Trauma: Using Acceptance and Commitment Therapy to Heal from Post-Traumatic Stress and Trauma-Related Problems. Oakland, CA: New Harbinger.

Professionnels :

Polk, K. L., & Burkhart, M. A. (2014). Something you can never forget: The matrix and PTSD. In K. Polk & B. Schoendorff (Eds.), The ACT matrix: A new approach to building psychological flexibility across settings and populations. Oakland, CA: New Harbinger.

Walser, R. D. & Westrup, D. (2007). Acceptance and commitment therapy for PTSD: A practitioners guide to using mindfulness and acceptance strategies. Oakland, CA: New Harbinger.