Lyne est une préretraitée qui vient en thérapie à la suite d’une rencontre avec son médecin de famille. Ce dernier, par prévention, lui a prescrit divers tests afin d’évaluer sa santé. Toutefois, Lyne n’a pas passé les tests prescrits parce qu’elle entretient une peur intense des piqûres depuis des décennies. Elle a tenté à deux reprises de se rendre au CLSC local, mais s’est évanouie la première fois et s’est enfuie la seconde fois, lorsqu’on l’a appelée. Elle se dit très préoccupée, en raison de l’historique médical de sa famille et de son âge qui avance. Elle aimerait pouvoir augmenter ses chances d’avoir une belle et longue retraite pour passer un maximum de temps de qualité avec ses proches.
Lyne est aux prises avec une anxiété importante et des conduites d’évitement face à celle-ci, ce qui l’empêche de poser des gestes qui lui apparaissent importants. Elle craint une intervention médicale pourrait soit lui permettre de partir à la retraite l’esprit tranquille, soit l’aiguiller précocement vers des traitements appropriés. Elle sait exactement ce qui importe pour elle (la santé, la famille, le projet de retraite) et ce qu’elle peut faire pour s’en rapprocher. Malheureusement, au moment où elle vient consulter, elle s’en sent incapable.
Elle représente un exemple typique (parmi bien d’autres) de personne pouvant bénéficier de l’utilisation de l’exposition. Lyne a d’abord été instruite à l’utilisation de la tension appliquée (contraction de groupes musculaires pour réduire les risques d’évanouissement), qu’elle a utilisée lors des séances subséquentes. Ensuite, elle a été exposée à des images de piqûres en contexte médical (vaccins, prises de sang) et à des tutoriels audiovisuels sur Youtube. Elle s’est elle-même soumise au contact d’un objet au bout métallique et arrondi (stylo sans encre) sur les veines de ses bras, puis a graduellement laissé son conjoint le faire, trois soirs par semaine entre les rencontres. Sans transpercer sa peau, ils ont poursuivi les expositions avec une épingle à coudre à la même fréquence, jusqu’à ce que Lyne se dise prête à recevoir une vraie prise de sang en séance.
À ce moment, une infirmière auxiliaire a été invitée au bureau de son psychologue et, malgré un inconfort initial évident, après s’être fait présenter et avoir pu manipuler les outils de l’infirmière, Lyne a été capable de recevoir une prise de sang faite par celle-ci. Deux semaines plus tard, elle a écrit à son psychologue pour l’informer qu’elle avait passé tous ses tests médicaux (qui se sont avérés négatifs) et pour le remercier d’avoir contribué à ce qu’elle puisse partir à la retraite l’esprit tranquille. Le suivi a requis huit séances au total.
L’exposition représente un contact délibéré et répété avec des stimuli qui engendrent une réponse de peur, tout en posant des gestes incompatibles avec l’évitement. Elle s’avère être l’une des techniques les plus efficaces en psychothérapie (présentant des tailles d’effet rivalisant avec l’activation comportementale pour la dépression et le contrôle du stimulus pour l’insomnie), produisant habituellement des résultats perceptibles plus rapidement qu’avec des thérapies davantage « parlées » (cognitive, interpersonnelle, psychodynamique).
En ACT, elle peut s’avérer être un outil extrêmement puissant pour améliorer la volonté (willingness) d’un client à faire face à ses pensées, émotions ou sensations désagréables, à s’approcher de ce qui compte malgré des obstacles perçus comme insurmontables et à davantage se centrer sur le moment présent, même en présence d’expériences intérieures pénibles. Malgré son efficacité, elle a tendance à être boudée par les cliniciens, parfois par manque de connaissances à son sujet, parfois en raison de préjugés défavorables à son égard, ou en raison d’un inconfort ressenti par les psychologues et psychothérapeutes lorsqu’ils l’utilisent, souvent face à la détresse ressentie par le client. Pourtant, l’exposition s’intègre merveilleusement bien à l’ACT et permet, à mon avis et selon les clients interrogés à cet effet, de bonifier significativement son efficacité. Qui plus est, l’auto-application de techniques puisées de l’ACT par un clinicien a toutes les chances de l’aider à faire face à ses propres craintes face à l’utilisation de cette technique*.
*À condition, bien entendu, qu’il soit important pour le clinicien en question d’utiliser des techniques empiriquement démontrées comme très efficaces pour aider les clients aux prises avec de l’anxiété à se rapprocher de ce qui compte pour eux.