Alors que le désir de contrôle du résultat de nos actions semble être un besoin fondamental (Dubois, 1987) dans la mesure ou il nous contribue à nous permettre de donner un sens à notre vie, une littérature foisonnante témoigne de notre volonté quasi absolue à vouloir ainsi contrôler et gérer le monde qui nous entoure (Giddens, 1991).
En fait, il semble être autant question du besoin de contrôle effectif que du sentiment de contrôle (Dubois, 1987), Wallston et al., (1989) précisant qu’il est tout aussi important de se savoir capable de trouver les réponses adaptées pour contrôler une situation (par exemple lors de difficultés relationnelles au travail) que d’avoir à y recourir réellement. Il est alors question du « contrôle perçu » (Lazarus et Folkman, 1987), lequel renvoie à la croyance que grâce à nos capacités et nos actions, il est possible de définir notre propre comportement, d’influencer son environnement et cela de manière à provoquer le résultat attendu (Rascle et Irachabal, 2001). Waouh, de vrais « super pouvoirs » en somme !
Bien que le contrôle perçu apparaît avoir une influence positive sur la vision que les individus entretiennent à l’égard de leur vie (Heo, Pressler et al., 2015) et sur les efforts qu’ils sont prêts à consentir pour faire face à des difficultés et à résoudre des problèmes, par exemple sur le plan professionnel (Glavin et Schieman, 2014), à l’inverse, il apparaît clairement que le fait de se savoir incapable de contrôler le résultat de ses actions ou de croire en la possibilité d’y parvenir, mène à vivre de l’anxiété, de la détresse psychologique et à développer des problèmes de santé psychologique (Overmier et Seligman, 1967; Courty, Bouisson et Compagnone, 2004).
Face à des difficultés professionnelles, la perte ou la privation de contrôle qui peut être ressentie, s’accompagner bien souvent d’un sentiment d’impuissance et de désespoir (Lhuillier, 2006; Peterson, Maier et Seligman, 1993).
Dans un tel contexte et cherchant instinctivement à nous tenir alors le plus loin possible de tels ressentis, nous tentons avant tout de restaurer notre besoin de contrôle (Dubois, 1987).
Pour y parvenir, nous sommes alors tentés de surévaluer nos possibilités de maîtrise sur notre environnement, refusant en particulier d’admettre que des facteurs qui nous apparaissent comme incontrôlables puissent expliquer ce qui nous arrive dans notre vie professionnelle (Dubois et Leyens 1994). À ce titre, plusieurs auteurs soulignent d’ailleurs que nous entretenons une forme d’illusion (Langer, 1975) quant au pouvoir, exagéré, que nous imaginons avoir sur notre environnement, mais aussi sur les comportements que nous adoptons pour maîtriser à nouveau le résultat de nos actions (Dubois, 1987).
Cette tentation à nous surestimer ainsi ne s’arrête pas là puisqu’il semble que nous l’élargissions aussi à nos propres ressentis intérieurs (nos pensées et émotions pénibles) que nous sommes susceptibles de vivre sous l’impulsion de nos difficultés professionnelles.
Pourtant, de nombreuses études soulignent en quoi les tentatives de contrôle des pensées et des émotions s’avèrent être à la fois inefficaces (Wenzlaff, Werner et Roper, 1988), et contre-productives pour l’individu (Borton, Markowitz et Dieterich, 2005).
À cet égard, il est question d’effet paradoxal du contrôle des pensées et des émotions et de son impact négatif sur le plan psychologique (Wilson et Murrell, 2004) : plus les tentatives de suppression de celles-ci sont nombreuses, plus leur fréquence d’apparition et leur intensité risquent d’augmenter (Monestès, Villatte et Loas, 2009 ).
Dans ce contexte, il y aurait peut-être lieu, lorsque nous ressentons une certaine douleur psychologique associée à nos difficultés professionnelles, de prendre d’abord conscience de l’existence puis de l’inefficacité de nos tentatives pour le contrôle de nos pensées et de nos émotions et l’impact de ces dernières sur notre capacité à pouvoir résoudre nos problèmes.
Pour y parvenir, il est d’abord question d’apprendre à adopter une position d’acceptation, qui ne consiste non pas en en attitude passive et de résignation telle que ce mot pourrait le laisser entendre, mais bien davantage comme une position d’ouverture qui se veut bienveillante et non jugeante (Hayes, Strosahl et Wilson 2012) à l’égard de tout ce que nous vivons et ressentons et sans chercher à lutter, contrôler, combattre, fuir ou éviter (Neveu, Dionne, 2009).
Peut-être le fait « d’accepter plutôt que lutter, d’observer avec distance plutôt que croire nos pensées difficiles est plus efficace que de tenter de s’en débarrasser » (Monestès, Villatte, 2011, p.2) pour nous aider à nous approcher davantage d’une vie professionnelle riche et pleine de sens.