J’ai longtemps lutté sans résultats contre ma souffrance intérieure. Tellement lutté, en fait que j’en ai conçu une passion brulante pour l’efficacité de la psychothérapie et donc pour les approches efficaces et rapides. C’est pour cela que j’ai choisi les thérapies basées sur des preuves et scientifiquement fondées, comme la thérapie d’acceptation et d’engagement, ACT (prononcé « acte ») que je pratique aujourd’hui. Ên effet, être efficace pour mes client.e.s et travailler sans relâche pour améliorer mes pratiques sont deux de mes valeurs centrales de psychologue.
Efficacité de la psychothérapie: un secret honteux
Un secret honteux de la psychothérapie est que, en règle générale, l’efficacité des thérapeutes est assez basse. En fait, même si la recherche démontre que pour plus d’une personne sur deux, entamer une psychothérapie sera utile et efficace, il demeure qu’entre une personne sur trois et une personne sur deux ne s’améliore pas. Avant de rejeter la psychothérapie, rappelons que, sans traitement, c’est seulement une personne sur trois ou moins qui s’améliore d’elle-même. Mieux vaut donc consulter pour faire face à un problème important. Mais, c’est sûr, notre profession peut s’améliorer.
Efficacité de la psychothérapie: où en est-on?
En statistique, on mesure la taille d’effet, c’est-à-dire le degré d’amélioration (ou de détérioration) des personnes qui reçoivent une intervention. Pour mesurer les effets à travers de nombreuses études séparées, les chercheurs conduisent des métanalyses qui réunissent des résultats de milliers de personnes et peuvent donner une image plus globale. Ces métanalyses ont ainsi fait ressortir que, selon les troubles mentaux, les tailles d’effet des diverses approches psychothérapeutiques varient de .5 à .9. On considère qu’une taille d’effet de .5 démontre une efficacité clinique. Au-delà de ce seuil, la personne ressent une amélioration significative au regard de ce qui l’amenait à consulter (Hunsley, Elliott, & Therien, 2013 pour les détails de ces chiffres).
Efficacité de la psychothérapie dans la « vraie vie »
Les études qui mesurent l’efficacité des psychothérapies en se basant non sur des projets de recherche contrôlés, mais sur la pratique réelle des psychothérapeutes comme ceux que vous avez le plus de chance de consulter indiquent des tailles d’effet similaires (environ .8). Mais la mauvaise nouvelle est que l’efficacité des thérapeutes expérimentés semble ne pas être meilleure que celle des étudiants (Minami et coll., 2009). Goldberg et collègues (2016) ont même identifié que l’efficacité des thérapeutes tendait à baisser avec le temps.
Le verdict de Bruce Wampold, un des principaux chercheurs mondiaux en matière d’efficacité de la psychothérapie et des thérapeutes, est sans appel : « Les thérapeutes ne s’améliorent ni avec le temps ni avec l’expérience. C’est-à-dire que tout au long de leur carrière professionnelle, en moyenne, il apparait que les thérapeutes ne s’améliorent pas, si par amélioration on veut dire “obtiennent de meilleurs résultats” » (Wampold & Imel, 2017).
ACORN
Que faire pour augmenter l’efficacité de la psychothérapie ? Inspiré par un blog de mon ami et collègue australien Julian McNally, le Centre de Psychologie Contextuelle a rejoint le réseau ACORN. Ce réseau regroupe plus de 15 000 professionnels en santé mentale de plusieurs pays et toutes approches confondues qui ont fait le choix de mesurer et d’améliorer leur efficacité. Ces intervenant.e.s invitent leurs clients à remplir un bref questionnaire au début de chaque rencontre.
Parmi des centaines de questions ACORN a sélectionné celles qui reflétaient au mieux les difficultés les plus courantes et surtout permettaient de mesure l’efficacité de la psychothérapie. Faire passer le questionnaire à ses clients et utiliser ses résultats pour guider sa pratique clinique augmente l’efficacité des psychothérapeutes (Brown & Simon, Rapport ACORN ). C’est pour cette raison que j’utilise les questionnaires ACORN avec tous mes clients.
Catastrophe
Pour beaucoup de cliniciens, mesurer son efficacité peut faire vivre de l’insécurité et faire peur. Pourtant c’est essentiel si servir au mieux nous clients nous tient à cœur. J’ai donc surmonté ma peur. Quand j’ai commencé à rentrer les données de mes clients sur ACORN, au bout d’une dizaine de clients, le programme évaluait mon efficacité en deçà de .3. Catastrophique !
Je suis allé montrer ce piètre résultat une collègue. « J’ai toujours su que j’étais meilleur formateur que clinicien. À présent, je vais devoir travailler fort pour m’améliorer. » Sans s’affoler, elle me répondit : « Je crois surtout que tu es mauvais pour entrer des données. » Elle avait raison. Je suis allé vérifier et j’ai corrigé tout ça. À présent, je vais entrer les données directement par mes clients, ça élimine le risque d’erreur.
Mon engagement
Au Centre de Psychologie Contextuelle, je suis engagé à améliorer mon efficacité et l’efficacité de la psychothérapie à aller chercher du soutien et engager des exercices de pratique délibérée qui, selon la recherche, permettent aux thérapeutes de s’améliorer (Chow et coll. 2015). Pour cela, le CPC a mis en place un groupe de pairs où nous partageons nos objectifs d’amélioration et engageons des pratiques délibérées afin d’être encore plus efficaces pour vous.
Je m’engage à vous partager régulièrement mes résultats au regard des membres du réseau ACORN.
Voici ces résultats.
Le premier diagramme présente les résultats globaux de tous les thérapeutes membres du réseau ACORN, soit une taille d’effet moyenne de .81, et une efficacité pour 69 % des clients, pas de changement pour 17 % et une détérioration pour 14 %.
Mes résultats du 1er mars 2018 au 8 Juin 2021 sont une taille d’effet moyenne 1.04. De l’ensemble de mes client.e.s depuis mars 2018, 78 % rapportent une amélioration, dont 57 % une amélioration significative et 21 % une amélioration modeste; 13 % de mes client.e.s ne rapportent pas de changement, 5 % une légère détérioration et 5 % une détérioration significative.
Au Centre de Psychologie Contextuelle, l’efficacité n’est pas un slogan creux, c’est une valeur que nous mettons en action !
Mon efficacité clinique vs la moyenne ACORN au 8 juin 2021
Détails comparatifs de mon efficacité vs ACORN. Mes thérapies avec les client.e.s dans la fourchette clinique durent environ 8.6 semaines vs. 11.1 semaines pour la moyenne ACORN.
Mon score d’efficacité au cours des 6 derniers mois en date du 8 juin 2021. Taille d’effet de 1.2. 83% amélioration (63% significative, 20% légère). 14% pas de changement, 4% de détérioration légère et 0% de détérioration importante.
Références:
Brown, G. S., Simon, A., Cameron, J., & Minami, T. (2015). A collaborative outcome resource network (ACORN): Tools for increasing the value of psychotherapy. Psychotherapy, 52, 412–421. doi: 10.1037/pst0000033
Brown, G. S., Simon, A., & Minami, T. (2015). Are you any good…as a therapist? http://societyforpsychotherapy.org/are-you-any-good-as-a-therapist/
Chow, D. L., Miller, S. D., Seidel, J. A., Kane, R. T., Thornton, J. A., & Andrews, W. P. (2015). The role of deliberate practice in the development of highly effective psychotherapists.
Goldberg, S.B. , Rousmaniere, T. , Miller, S.D. , Whipple, J. 4 , Nielsen, S.L. , Hoyt, W.T. , & Wampold, B.E. (2016a). Do Psychotherapists Improve With Time and Experience? A Longitudinal Analysis of Outcomes in a Clinical Setting. Journal of Counseling Psychology, 63 (1), 1-11.
Hunsley, j., Elliott, K., & Therien, Z (2013) The Efficacy and Effectiveness of Psychological Treatments. A report for the Canadian Psychological Association https://www.cpa.ca/docs/File/Practice/TheEfficacyAndEffectivenessOfPsychologicalTreatments_web.pdf
McNally, J. (2017) What Makes Act of Living Therapists 10% better (Blog) http://www.actofliving.com.au/resources/blog/item/13-ten-percent-better-therapy
Minami, T., Davies, D. R., Tierney, S. C., Bettmann, J. E., McAward, S. M., Averill, L. A., Huebner, L. A., Weitzman, L. M., Benbrook, A. R., Serlin, R. C., & Wampold, B. E. (2009). Preliminary evidence on the effectiveness of psychological treatments delivered at a university counseling center. Journal of Counseling Psychology, 56, 309-320. doi:10.1037/a0015398 14
Wampold BE & Imel Z (2017) http://societyforpsychotherapy.org/what-do-we-know-aboutpsychotherapy-and-what-is-there-left-to-debate/