Quand on est déprimé, on voit tout en noir. Notre passé, notre avenir et bien sûr notre présent. Les choses que nous aimions perdent de leur goût, nos relations les plus précieuses perdent de leur saveur. Notre conception de nous-même en prend un coup et on a l’estime dans les chaussettes. Quand on est déprimé, on est convaincu que notre manière de voir les choses est la bonne et que les choses sont vraiment aussi noires que nous les voyons. Savez-vous qu’il existe des études scientifiques démontrant que les personnes déprimées auraient une meilleure perception des probabilités d’un évènement futur que les personnes ne souffrant pas de dépression ? On appelle ça le « réalisme dépressif ».

Une des manières de combattre la dépression est de chercher à convaincre les personnes en déprime que leur manière de voir les choses n’est pas réaliste, qu’elle est exagérée. Si vous avez déjà essayé de convaincre un ou une amie déprimé(e) que tout n’était pas si noir, ou si vous avez vous-même vécu une dépression, vous savez combien une telle tâche est difficile. L’esprit déprimé semble doté de super pouvoirs et à chaque argument, il oppose un contre-argument (après tout le « réalisme » est de son bord). On fini par avoir l’impression que loin d’avoir vaincu le monstre des idées noires, on a nourri la bête! Souvenez-vous : la science suggère que l’esprit dépressif pourrait bien être plus « réaliste ».

Mais attendez un instant. C’est quoi être réaliste?

Est-ce savoir prédire avec précision tout ce qui va se passer sur le long terme? Sur le long terme, comme aimait à dire l’économiste John Maynard Keynes, nous sommes tous morts. En voilà une bonne dose de réalisme. Ou bien serait-ce de fonctionner de façon optimale (ou, soyons réalistes, suffisamment bien) dans les conditions dans lesquelles nous nous trouvons? Dans le deuxième cas, avoir raison perd de son importance. Ce qui compte, c’est ce qui marche.

Imaginez un instant que l’on puisse sortir de la dépression sans avoir à se battre à main nues avec ses idées noires. Plutôt que de les confronter sur le terrain de la logique, nous pourrions alors les observer avec curiosité comme des productions de notre esprit dues aux circonstances et à les accueillir avec bienveillance. Au passage, nous apprendrions à observer ce qu’elles nous enjoignent de faire, afin de pouvoir choisir si elles cherchent vraiment à nous envoyer dans la direction que nous voulons prendre ou si nous ferions mieux de choisir d’autres directions de vie.

La bonne nouvelle, c’est que nous pouvons choisir d’avancer dans les directions qui comptent pour nous sans attendre que notre intellect soit d’accord. C’est même la clé pour nous protéger de la dépression. Le chien noir de la dépression se nourrit de l’idée qu’il est nécessaire de se sentir motivé ou de croire à l’avenir pour s’activer. La recherche démontre que le contraire est vrai. C’est en s’activant que l’on maintient ou que l’on retrouve le goût de vivre et d’agir.

Dans les trous les plus noirs

Là où on perd le goût de tout et où on ne voit plus rien d’important, on peut toujours se demander si choisir pour choisir, on choisirait une vie qu’on a le goût de vivre. Si oui, alors s’engager dans l’action même sans la moindre envie et motivation nous permettra à terme de retrouver le goût de vivre, la motivation et le chemin d’une vie et de relations riches de sens. Et vous, que choisiriez-vous, avoir raison ou avoir une vie qui fonctionne?

Dans un prochain blog, nous considèrerons des stratégies concrètes permettant de se prémunir contre la dépression ou de s’en sortir.