La solitude est un tueur en série

Un des plus grands facteurs de mortalité, qui tue autant que le tabagisme et deux fois plus que l’alcool ou l’obésité, est la solitude. Nous mourrons d’être seul.

Nous sommes les mammifères les plus sociaux. Est-ce surprenant alors que les connexions sociales et les relations nous soient littéralement vitales ? Elles sont si importantes que la peur du rejet est une des peurs les plus profondes et les mieux partagées chez l’être humain. Ainsi, dans les sociétés primitives, la peine la plus grave qui pouvait être prononcée contre un membre de la tribu ayant fauté était d’être mis au ban. Plus personne n’interagissait avec la personne bannie, comme si elle n’avait jamais existé. Peu des condamnés y survivaient.

L’individualisme des sociétés occidentales n’a pas effacé cette donnée de base de l’existence humaine : nous avons besoin de connexion sociale autant que de nourriture et d’abri. Pourtant combien sommes-nous, les hommes en particulier, à ne pas savoir ou à ne pas rechercher à nous connecter ? Parfois, un individualisme excessif et la peur du rejet conspirent pour nous interdire de nous rapprocher des autres. Des pensées surviennent alors comme « À quoi bon ? Ils vont sûrement me rejeter et je devrais m’en sortir seul de toute façon ! » Pourtant, nous constatons ici une cruelle ironie : la peur qui nous retient de nous rapprocher des autres prend racines dans notre désir profond de connexion. Alors, pour pouvoir nous approcher des autres en présence de notre peur du rejet, nous avons besoin de flexibilité psychologique.

En tant que psychothérapeutes, la grande majorité de nos clients souffre d’un déficit de connexion sociale. Même quand ils sont en relation et possèdent un cercle social, ils s’enferment souvent dans leurs difficultés ou ne savent pas comment les partager d’une manière qui renforcerait leurs connexions. Nombreux sont ceux qui pensent que personne ne les comprend, et qui vivent des vies empreintes d’un désespoir silencieux ou plus bruyant. Si les gens savaient comment créer et cultiver des relations vraiment profondes et sécures, ils auraient des personnes vers qui se tourner pour partager leurs expériences les plus difficiles en sachant que leurs pensées et ressentis seraient reçus et leur vulnérabilité honorée. Et pourtant, combien d’entre nous jouissent vraiment de telles relations ?

J’appelle de telles relations des relations réellement intimes. Cela n’a rien à voir avec l’attirance romantique, même si les partenariats de vie les plus satisfaisants combinent les deux. Les relations intimes sont la base de nos attachements les plus sécures. Jusqu’à récemment, de telles relations étaient largement le fruit du hasard. En effet, elles dépendaient du fait d’avoir eu des parents qui savaient comment se lier intimement ainsi que des pairs qui nourrissaient de telles relations. Malheureusement, nous sommes bien peu nombreux a avoir bénéficié de telles conditions.

Ce qui me semble important à souligner, c’est que les relations thérapeutiques, de par leurs structures, portent le potentiel d’être des relations intimes. En effet, les gens viennent à nous avec leurs pensées les plus sombres et les expériences et ressentis les rendant le plus vulnérables. Les relations thérapeutiques constituent de ce fait un terrain idéal pour apprendre comment se lier intimement et comment créer et cultiver ces relations dont nous avons un besoin vital.

Pourtant, en tant que thérapeutes, on ne nous apprend pas vraiment à entrer en relation intime avec nos clients. Peut-être avons nous acheté l’idée que la posture du thérapeute se doit d’être neutre et distante, fermant la porte à la réciprocité qui est pourtant la base de l’intimité. Et plus certainement, , nous reculons devant la vulnérabilité qui naît de partager sur un pied d’égalité avec nos clients. Bien entendu, il ne s’agit pas de faire avec eux notre propre thérapie, mais bien de leur offrir l’occasion de pratiquer, au sein d’une authentique relation, ce que c’est que de se lier intimement. Nous aussi, en tant que thérapeutes, nous avons besoin de flexibilité psychologique.

Mon ami Jonathan Kanter a passé des années à étudier, pratiquer et développer la thérapie basée sur l’analyse fonctionnelle (Functional Analytic Psychotherapy—FAP, Kohlenberg & Tsai, 1991), une forme de thérapie comportementale qui utilise la relation thérapeutique comme le principal outil du changement. Fermement enraciné dans la science comportementale et ayant étudié de près la science des connexions sociales, Jonathan a conçu de nouvelles manières d’utiliser la FAP pour aider les clients et leurs thérapeutes à créer ces relations profondes et riches de sens qui peuvent transformer les vies des clients, tout comme la vôtre. Son travail nous aide à cheminer pour faire une différence dans la vie de nos clients, dans la nôtre et dans notre pratique.